25. Illuminé par la Parole et fondé sur la Tradition, le chemin synodal s'enracine dans la vie concrète du Peuple de Dieu. Il présente, en effet, une particularité qui constitue en même temps une extraordinaire ressource : son objet - la synodalité - est aussi sa méthode. En d'autres termes, il constitue une sorte de chantier ou d'expérience pilote, qui permet de commencer à recueillir, dès à présent, les fruits du dynamisme que la conversion synodale progressive distille dans la communauté chrétienne. D'un autre côté, il ne peut que renvoyer aux expériences de synodalité déjà vécues, à différents niveaux et à différents degrés d'intensité : leurs points de force et leurs réussites, de même que leurs limites et leurs difficultés, offrent des éléments précieux pour discerner la direction vers laquelle continuer à évoluer. Certes, nous nous référons ici aux expériences suscitées par le présent chemin synodal, mais aussi à toutes celles à travers lesquelles l'on expérimente déjà des formes de ce " marcher ensemble " dans la vie ordinaire de l'Eglise, même lorsque l'on ne connaît pas ou que l'on n'utilise pas encore le terme de synodalité.
L'interrogation fondamentale
26. L'interrogation fondamentale qui guide cette consultation du Peuple de Dieu, comme cela a déjà été rappelé au début de ce document, est la suivante :
Une Église synodale, en annonçant l'Évangile, " marche ensemble " : comment ce " marcher ensemble " se réalise-t-il aujourd'hui dans votre Église particulière ? Quels pas l'Esprit nous invite-t-il à accomplir pour grandir dans notre " marcher ensemble " ?
Pour répondre, vous êtes invités à :
a) vous demander à quelles expériences de votre Église particulière cette question fondamentale vous fait penser ?
b) relire plus profondément ces expériences : quelles joies ont-elles provoquées ? Quelles difficultés et obstacles ont-elles rencontrés ? Quelles blessures ont-elles fait émerger ? Quelles intuitions ont-elles suscitées ?
c) recueillir les fruits à partager : comment résonne la voix de l'Esprit dans ces expériences « synodales » ? Qu'est-ce que l'Esprit est en train de nous demander aujourd'hui ? Quelles sont les points à confirmer, les changements à envisager , les nouveaux pas à franchir ? Où voyons-nous s'établir un consensus ? Quels chemins s'ouvrent pour notre Église particulière ?
Divers aspects de la synodalité
27. Dans la prière, la réflexion et le partage suscités par cette question fondamentale, il est opportun de garder bien présents à l'esprit trois niveaux sur lesquels s'articule la synodalité comme « dimension constitutive de l'Église » :
- Le niveau du style ordinaire selon lequel l'Église vit et oeuvre au quotidien, qui exprime sa nature de Peuple de Dieu cheminant ensemble et se rassemblant en assemblée convoquée par le Seigneur Jésus dans la force de l'Esprit Saint pour annoncer l'Évangile. Ce style se réalise à travers « l'écoute communautaire de la Parole et la célébration de l'Eucharistie, la fraternité de la communion et la responsabilité partagée, et la participation de tout le Peuple de Dieu, à ses différents niveaux et dans la distinctions des divers ministères et rôles, à la vie et à la mission de l'Église » ;
- Le niveau des structures et des processus ecclésiaux, déterminés notamment du point de vue théologique et canonique, par lesquels la nature synodale de l'Église s'exprime d'une manière institutionnelle au niveau local, au niveau régional et au niveau universel ;
- Le niveau des processus et des événements synodaux durant lesquels l'Église est convoquée par l'autorité compétente, selon des procédures spécifiques déterminées par la discipline ecclésiastique.
Bien que distincts d'un point de vue logique, ces trois niveaux s'articulent l'un à l'autre et doivent être considérés ensemble de façon cohérente ; autrement, on transmet un contre-témoignage et on mine la crédibilité de l'Église. De fait, si celle-ci ne s'incarne pas concrètement dans des structures et dans des processus, le style de la synodalité se dégrade rapidement, passant du niveau des intentions et des désirs à celui de la rhétorique ; quant aux processus et aux événements synodaux, s'ils ne sont pas animés par un style adéquat, ils apparaissent comme des formalités vides.
28. En outre, lors de la relecture des expériences, il faut se souvenir que " marcher ensemble " peut être compris selon deux perspectives différentes, fortement liées entre elles. La première concerne la vie interne des Églises particulières, les rapports entre les sujets qui les constituent (en premier lieu les relations entre les fidèles et leurs pasteurs, notamment par le biais des organismes de participation prévus par la discipline canonique, y compris le synode diocésain) et les communautés qui les composent (en particulier les paroisses). Elle considère aussi les rapports entre les évêques entre eux et l'Évêque de Rome, notamment par le biais des organismes intermédiaires de synodalité (Synode des Évêques des Églises patriarcales et archiépiscopales majeures, Conseils des Hiérarques et Assemblées des Hiérarques des Églises sui iuris, Conférences épiscopales, avec leurs expressions nationales, internationales et continentales). Elle s'élargit ensuite à la façon dont chaque Église particulière intègre en son sein la contribution des diverses formes de vie monastique, religieuse et consacrée, d'associations et mouvements laïcs, d'institutions ecclésiales et ecclésiastiques de différents genres (écoles, hôpitaux, fondations, organismes de charité et d'assistance, etc.). Enfin, cette perspective englobe également les relations et les initiatives communes avec frères et soeurs des autres Confessions chrétiennes, avec lesquelles nous avons en commun le don du même Baptême.
29. La seconde perspective considère la façon dont le Peuple de Dieu chemine avec la famille humaine tout entière. Le regard s'attardera ainsi sur l'état des relations, du dialogue et des éventuelles initiatives communes avec les croyants d'autres religions, avec les personnes éloignées de la foi, de même qu'avec des milieux et groupes sociaux spécifiques, avec leurs institutions (monde de la politique, de la culture, de l'économie, de la finance, du travail, syndicats et associations d'entrepreneurs, organisations non gouvernementales et de la société civile, mouvements populaires, minorités de différent genre, pauvres et exclus, etc.).
Dix pôles thématiques essentiels à approfondir
30. Pour faciliter la mise en lumière d'expériences et favoriser de manière plus riche la consultation, nous indiquons également ci-après dix pôles thématiques qui ont trait à diverses facettes de la " synodalité vécue ". Ces pistes devront être adaptées aux divers contextes locaux et, selon les situations, intégrées, explicitées, simplifiées, approfondies, en accordant une attention spéciale à ceux qui ont le plus de difficulté à participer et à répondre : le Vademecum qui accompagne ce Document Préparatoire offre à cet égard des ressources, des parcours et des suggestions afin que les différents domaines de questions inspirent concrètement des moments de prière, de formation, de réflexion et d'échange.
I. LES COMPAGNONS DE VOYAGE
Dans l'Église et dans la société, nous sommes sur la même route, côte à côte. Dans votre Église locale, quels sont ceux qui " marchent ensemble " ? Quand nous disons " notre Église ", qui en fait partie ? Qui nous demande de marcher ensemble ? Quels sont les compagnons de voyage avec qui nous cheminons, même en dehors du cercle ecclésial ? Quelles personnes ou quels groupes sont-ils laissés à la marge, expressément ou de fait ?
II. ÉCOUTER
L'écoute est le premier pas, mais demande d'avoir l'esprit et le coeur ouverts, sans préjugés. Vers qui notre Église particulière a-t-elle " un manque d'écoute " ? Comment les laïcs sont-ils écoutés, en particulier les jeunes et les femmes ? Comment intégrons-nous la contribution des personnes consacrées, hommes et femmes ? Quelle place occupe la voix des minorités, des marginaux et des exclus ? Parvenons-nous à identifier les préjugés et les stéréotypes qui font obstacles à notre écoute ? Comment écoutons-nous le contexte social et culturel dans lequel nous vivons ?
III. PRENDRE LA PAROLE
Tous sont invités à parler avec courage et parrhésie, c'est-à-dire en conjuguant liberté, vérité et charité. Comment favorisons-nous, au sein de la communauté et de ses divers organismes, un style de communication libre et authentique, sans duplicités ni opportunismes ? Et vis-à-vis de la société dont nous faisons partie ? Quand et comment réussissons-nous à dire ce qui nous tient à coeur ? Comment fonctionne le rapport avec le système des médias (pas seulement les médias catholiques) ? Qui parle au nom de la communauté chrétienne et comment ces personnes sont-elles choisies ?
IV. CÉLÉBRER
" Marcher ensemble " n'est possible que si ce chemin repose sur l'écoute communautaire de la Parole et sur la célébration de l'Eucharistie. De quelle façon la prière et la célébration liturgique inspirent et orientent effectivement notre " marcher ensemble " ? Comment est-ce que cela inspire les décisions les plus importantes ? Comment encourageons-nous la participation active de tous les fidèles à la liturgie et à l'exercice de la fonction de sanctification ? Quelle place est donnée à l'exercice des ministères du lectorat et de l'acolytat ?
V. CORESPONSABLES DANS LA MISSION
La synodalité est au service de la mission de l'Église, à laquelle tous ses membres sont appelés à participer. Puisque nous sommes tous des disciples missionnaires, de quelle manière chaque baptisé est-il convoqué à être un acteur de la mission ? Comment la communauté soutient-elle ses membres qui sont engagés dans un service au sein de la société (engagement social et politique, engagement dans la recherche scientifique et dans l'enseignement, au service de la promotion des droits humains et de la sauvegarde de la Maison commune, etc.) ? Comment la communauté aide-t-elle à vivre ces engagements dans une dynamique missionnaire ? Comment se fait le discernement concernant les choix missionnaires et qui y participe ? Comment ont été intégrées et adaptées les diverses traditions en matière de style synodal, qui constituent le patrimoine de nombreuses Églises, en particulier des Églises orientales, en vue d'un témoignage chrétien fécond ? Comment fonctionne la collaboration dans les territoires où sont présentes des Églises sui iuris différentes ?
VI. DIALOGUER DANS L'ÉGLISE ET DANS LA SOCIÉTÉ
Le dialogue est un chemin qui demande de la persévérance, et comporte aussi des moments de silences et de souffrances, mais qui est capable de recueillir l'expérience des personnes et des peuples. Quels sont les lieux et les modalités de dialogue au sein de notre Église particulière ? Comment sont gérées les divergences de vue, les conflits et les difficultés ? Comment encourageons-nous la collaboration avec les diocèses voisins, avec et entre les communautés religieuses présentes sur le territoire, avec et entre les associations et mouvements de laïcs, etc. ? Quelles expériences de dialogue et d'engagement en commun mettons-nous en oeuvre avec des croyants d'autres religions et avec ceux qui ne croient pas ? Comment l'Église dialogue-t-elle et apprend-elle d'autres instances de la société : le monde de la politique, de l'économie, de la culture, la société civile, les pauvres... ?
VII. AVEC LES AUTRES CONFESSIONS CHRÉTIENNES
Le dialogue entre chrétiens de diverses confessions, unis par un seul Baptême, occupe une place particulière sur le chemin synodal. Quels relations entretenons-nous avec les frères et soeurs des autres Confessions chrétiennes ? Quels domaines concernent-ils ? Quels fruits avons-nous recueillis de ce " marcher ensemble " ? Quelles difficultés aussi ?
VIII. AUTORITÉ ET PARTICIPATION
Une Église synodale est une Église de la participation et de la coresponsabilité. Comment sont définis les objectifs à poursuivre, la voie pour y parvenir et les pas à accomplir ? Comment est exercée l'autorité au sein de notre Église particulière ? Quelles sont les pratiques de travail en équipe et de coresponsabilité ? Comment sont encouragés les ministères laïcs et la prise de responsabilité de la part des fidèles ? Comment fonctionnent les organismes de synodalité au niveau de l'Église particulière ? Constituent-ils une expérience féconde ?
IX. DISCERNER ET DÉCIDER
Dans un style synodal, les décisions sont prises via un processus de discernement, sur la base d'un consensus qui jaillit de l'obéissance commune à l'Esprit. Avec quelles procédures et avec quelles méthodes discernons-nous ensemble et prenons-nous des décisions ? Comment peuvent-elles être améliorées ? Comment favorisons-nous la participation de tous aux décisions au sein de communautés structurées d'une manière hiérarchique ? Comment conjuguons-nous la phase consultative et la phase délibérative, le processus menant à la prise de décision (decision-making) et le moment de la décision (decision-taking) ? De quelle façon et avec quels instruments encourageons-nous la transparence et la responsabilité (accountability) ?
X. SE FORMER À LA SYNODALITÉ
La spiritualité du marcher ensemble est appelée à devenir le principe éducatif de la formation humaine et chrétienne de la personne, la formation des familles et des communautés. Comment formons-nous les personnes, spécialement celles qui occupent des rôles de responsabilité à l'intérieur de la communauté chrétienne, pour les rendre davantage capables de " marcher ensemble ", de s'écouter mutuellement et de dialoguer ? Quelle formation au discernement et à l'exercice de l'autorité offrons-nous? Quels instruments nous aident-ils à lire les dynamiques de la culture dans laquelle nous sommes immergés et leur impact sur notre style d'Église ?
Pour contribuer à la consultation
31. L'objectif de la première phase du chemin synodal est de favoriser un vaste processus de consultation pour rassembler la richesse des expériences de synodalité vécue, dans leurs différents aspects et leurs différentes facettes, en impliquant les pasteurs et les fidèles des Églises particulières à tous les niveaux, en utilisant les moyens les plus appropriés en fonction des réalités locales spécifiques : la consultation, coordonnée par l'évêque, s'adresse « aux prêtres, aux diacres et aux fidèles laïcs de leurs Églises, tant séparément que collectivement, sans négliger l'apport précieux qui peut venir des hommes et des femmes consacrés » (EC, n° 7). En particulier, la contribution des organismes de participation des Églises particulières est requise, spécialement celle du Conseil presbytéral et du Conseil pastoral, à partir desquelles « une Église synodale peut (véritablement) commencer à prendre forme ». La contribution des autres réalités ecclésiales auxquelles sera envoyé ce Document Préparatoire sera également précieuse, tout comme l'apport de ceux qui voudront envoyer directement leur contribution . Enfin, il est d'une importance capitale d'écouter la voix des pauvres et des exclus et pas uniquement celle de ceux qui occupent un rôle ou une responsabilité au sein des Églises particulières.
32. La synthèse élaborée par chaque Église particulière au terme de ce travail d'écoute et de discernement constituera sa contribution propre au parcours de l'Église universelle. Pour rendre plus faciles et viables les phases suivantes du cheminement, il est important de parvenir à condenser les fruits de la prière et de la réflexion en une synthèse d'une dizaine de pages au maximum. Si cela est nécessaire, pour les contextualiser et mieux les expliquer, on pourra joindre d'autres textes en annexes. Rappelons que le but du Synode, et donc de cette consultation, n'est pas de produire des documents, mais de « faire germer des rêves, susciter des prophéties et des visions, faire fleurir des espérances, stimuler la confiance, bander les blessures, tisser des relations, ressusciter une aube d'espérance, apprendre l'un de l'autre, et créer un imaginaire positif qui illumine les esprits, réchauffe les coeurs, redonne des forces aux mains ».