« …Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». (Mc 12, 30-31)
Mardi 3 decembre 2024

Eglise catholique à Madagascar

Site officiel de la Conférence Episcopale de Madagascar

Message de la Conférence des Evêques de Madagascar - Novembre 2024


LES DOULEURS DES MALGACHES BRISENT LE CŒUR DE JESUS  

« En voyant les foules, il fut pris de pitié pour elles, car ces gens étaient inquiets et abattus, comme des brebis qui n’ont pas de berger » (Mt 9,36)

Aux dirigeants, aux compatriotes et aux chrétiens catholiques

La paix soit avec vous !

01. C’est avec cette paix souhaitée par Jésus pour ses disciples et qui devient pour nous intention de prière dans l’hymne national que nous vous saluons et que nous nous encourageons. Rendons toujours grâce à Dieu pour sa providence. Le Synode des Évêques « Pour une Église synodale » a atteint la phase finale de la célébration. Le Congrès Eucharistique national a bien été célébré à Antsiranana. Ce grand événement a marqué cette année de la prière. Il y a eu aussi d’autres événements locaux qui ont encouragé à donner un souffle nouveau pour la prière. Ces événements nous acheminent progressivement vers l’Année jubilaire du 2025ème anniversaire de la venue sur la terre du Fils de Dieu. Le Pape ouvrira cette Année sainte la nuit du 24 décembre 2024 et chaque diocèse le 29 décembre. Tous les diocèses ont leurs Pasteurs en cheminant vers l’Année jubilaire. Le jubilé de 25 ans d’épiscopat de Monseigneur Odon Marie Arsène RAZANAKOLONA et de Monseigneur Fulgence RABEMAHAFALY nous unissent aussi dans l’action de grâce.

A PROPOS DES AFFAIRES NATIONALES

02. L’Église étant prophète, nous ne nous lassons pas et nous ne pouvons jamais nous taire pour clamer avec le peuple les douleurs actuelles des Malgaches bien qu’il y ait eu des efforts qu’on ne peut pas négliger. Le problème d’électricité et d’eau est très profond. Il n’est pas résolu après tant d’années manifestant l’inefficacité et qu’on peut considérer comme une forme d’homicide indirect, car l’eau équivaut à la vie. Les prix des produits de première nécessité ne cessent d’augmenter. L’insécurité gagne davantage du terrain dans beaucoup de régions. L’éducation et l’enseignement se dégradent à Madagascar de la base jusqu’au niveau supérieur. L’impact des aides étrangères sur l’économie et le développement ne se fait pas vraiment sentir. La situation est telle qu’elle oblige les gens à se sacrifier et à souffrir. Ils semblent accepter avec résignation leur sort et leur destinée. Ils n’osent pas s’exprimer puisque pour eux « mieux vaut mourir demain qu’aujourd’hui ». De leur côté, les dirigeants semblent insensibles, ils n’ont pas de plans de développement, de méthodes et d’éventuelles résolutions. Les autorités de proximité sont impuissantes comme « une bêche incapable de couper l’herbe ». Pourtant, certains osent encore affirmer que le pays progresse et que les dirigeants sont efficaces. Existent-t-ils des gens ou des groupes payés pour faire l’éloge des dirigeants tout en étant indifférents devant les souffrances du peuple ? Des dirigeants ou leurs partisans et proches collaborateurs abusent de leur pouvoir et amassent des fortunes. On fait exprès d’oublier intentionnellement que tout a une fin. 

03. Toutes ces réalités révèlent que la vie du peuple chute totalement. Le petit peuple ne sait plus où aller alors qu’une minorité accapare et dépouille la richesse nationale et en jouit allant contre la conscience et détournant le regard de la pauvreté des concitoyens. Rares sont ceux qui parviennent à créer des emplois pour survivre, mais de nombreuses entreprises ont également été délibérément détruites. Ceux qui sont au chômage n’ont aucune sécurité. La situation ne correspond pas aux promesses et paris des candidats qui occupent actuellement les postes de responsabilités « On règne vraiment avec sa nature », selon le dicton. Le peuple n’a plus confiance aux dirigeants et adopte tous les moyens pour survivre. Est-il possible qu’on fait tout pour appauvrir le peuple à l’avantage d’une minorité ? Nous espérons quand même que certains dirigeants compatissent devant cette pauvreté exagérée et sacrifieront leur vie pour trouver des solutions très urgentes, efficaces et permanentes.

LE DEVELOPPEMENT EST L’OBJECTIF DE LA POLITIQUE

04. Le Pape François a affirmé nettement que la politique est indispensable pour l’émancipation d’une nation. La politique est la promotion du bien commun, « surtout durant les moments difficiles ».  Une politique est efficace si les dirigeants et le peuple cheminent ensemble. Il est du devoir des dirigeants de garantir à la population une vie paisible et digne. Il est également de son devoir d'informer le public de la responsabilité qui l'attend et de l'aider à l'assumer. Le peuple assumera sa responsabilité en accomplissant bien son travail, sa capacité à se rassembler et à s’entraider, sa capacité à éduquer et à s’éduquer réciproquement. Les dons que procure l’État et les politiciens ne visent pas à éduquer les gens, et ne permettent pas d’avoir une vision à long terme, mais juste pour une solution immédiate pour éteindre le feu comme font les pompiers mais n’aide à construire l’avenir. Le peuple et les dirigeants devraient s’écouter mutuellement ; l’opposition mérite d’écouter et d’être écoutée pour que la divergence de vision ne devienne obstacle au développement. Il est nécessaire d’acquérir l’expérience à partir des erreurs du passé : l’imprudence, l’inefficacité, la partialité et l’exclusion, les menaces, la passivité qui attend l’initiative de l’État, le manque d’écoute mutuelle, la culpabilisation réciproque, l’opposition aveugle, la dichotomie entre la foi et la vie quotidienne, l’indétermination, les mensonges et la corruption, l’infidélité aux paroles données etc.

APPEL AUX DIRIGEANTS

05. Face à cette situation nationale, nous faisons appel à vous, dirigeants. Tout le monde attend de vous des actes et non des paroles. Garantissez au peuple leurs besoins fondamentaux et quotidiens : nourriture, services publics, électricité et eau, environnement, santé, éducation, sécurité, routes, liberté d’expression. On prêtera une attention particulière aux mineurs et aux personnes vulnérables. Tout le monde aspire à des vrais dirigeants une attitude qui ne peut pas supporter les souffrances du peuple et qui est prête à sacrifier l’ambition politique et les intérêts personnels. Des plans clairs, continus et permanents doivent être établis pour éviter ces souffrances exagérées qu’endure le peuple. Il est temps de prioriser la création d’emploi et le professionnalisme afin d’éviter des fardeaux ou simplement des exploiteurs et des parasites du peuple. L’emploi est une vocation, pas seulement un moyen de gagner sa vie. Une vérité dictée par des individus ou des groupes de personnes selon l’intérêt personnel ne nous convient pas. Une est la vérité, celle que nous dicte la conscience pure, que nous enseigne la loi authentique et que nous proclame l’Évangile. Il faut nous débarrasser de cette culture de la mort que nous sommes en train de vivre. Construisons et protégeons la culture de la vie. Nous nous adressons particulièrement à vous, fils et filles de l’Église catholique, vous qui vous engagez dans la politique : montrez que vous avez reçu un bon enseignement. 

POUR LE PEUPLE

06. Nous nous tournons maintenant vers nous, peuple malagasy. Évitons l’esprit ayant tendance à tout dépendre de nos dirigeants. Assumons et prenons en charge avec amour et sincérité nos responsabilités vis-à-vis du développement de la nation, où nous nous trouvons à la maison, au sein de la société, sur le lieu de travail, à l’école ou encore à l’Église. Ce n’est plus le moment de tricher et de profiter les uns des autres. La capacité du peuple à s’entendre et à prendre soin les uns les autres est un gage de stabilité et de prospérité pour Madagascar. Rehaussons la responsabilité des parents et de tous ceux qui œuvrent dans l’éducation, laquelle se présente comme le garant de la vie de la nation. Que les médias continuent d’évoluer dans leur mission d’éducateurs publics de la vérité et du savoir vivre, et de porte-parole des sans voix. Vous, médias catholiques, soyez des modèles. 

FOI ET VIE

07. Le moment difficile vécu actuellement par la nation malagasy nous fait réfléchir, à nous chrétiens et à tous les croyants : sommes-nous sûrs et certains que nous avons bien accompli nos devoirs citoyens ? Se pourrait-il que nous n’ayons pas bien vécu notre identité de sel de la terre et de lumière du monde et d’hommes d’espérance ? Se pourrait-il que la foi et la vie quotidienne soient en désaccord l’une de l’autre ? Être citoyen et être chrétien ou encore être croyant sont complémentaires . Écoutons toujours Saint Paul qui nous dit : “Ayez à cœur de vivre dans le calme, de vous occuper de vos propres affaires” (1Thes 4,11). Ceux qui se disent chrétiens et croyants doivent aux premiers rangs et donner des bons exemples par rapport à tout ce qui a été souligné ci-dessus. Les efforts entrepris par l’Église catholique dans chaque diocèse seront intensifiés : projets de développement intégral de l’homme, en particulier les pauvres et les zones les plus reculés, les écoles, les hôpitaux et les dispensaires, les diocèses verts, la formation, les associations et les mouvements d’actions catholiques, les médias, la proximité des personnes et de leur environnement. Le moment est venu de montrer comment les écoles catholiques, les mouvements d’action catholique, ainsi que les commissions diverses, sont des moyens pour prêcher la bonne nouvelle et éduquer l’homme intégral. Ne nous laissons pas tout simplement être séduits par les résultats des examens et les différents concours. Nous chercherons tous les moyens et les occasions permettant de faire connaître à tout le monde l’enseignement social de l’Église.

“PELERINS DE L’ESPERANCE”

08. “Ne vous laissez pas voler l’espérance qui est en vous” , déclare le Pape François. Ravivons toujours la flamme de l’espérance malgré la situation critique dans laquelle nous nous trouvons. Ne soyons pas désespérés devant les difficultés ; mais restons plutôt fermes dans la vie, dans l’accomplissement avec amour de nos responsabilités respectives et dans la recherche continuelle du meilleur, conformément à l’appel urgent lancé plus haut. Comme la foule dans le désert, Jésus est ému de compassion nos profondes souffrances. Celles-ci lui brisent le cœur. Le cœur de notre Dieu est comparable à celui d'un père qui ne peut pas supporter ce qui arrive à ses enfants, donc il ne peut pas simplement regarder. Et sa parole suivante nous le confirme et raisonne encore : “En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! […] Chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait” (Mt 25, 34-46). La foi et l’espérance s’expriment dans la charité qui les édifie. La charité pousse à l’action et permet de faire face à la vie afin de construire un avenir meilleur. Ainsi, nous accomplissons nos devoirs quotidiens avec honnêteté, et en même temps nous prions sans cesse : “Que ton règne vienne” (Mt 6,10), et : “Augmente notre foi” (Lc 17,5).

09. Nous faisons nôtre la déclaration du Pape François : “J’invoque de manière pressante l’espérance pour les milliards de pauvres qui manquent souvent du nécessaire pour vivre” . Restons fermes à notre promesse de continuer à nous y mettre ensemble et à prendre conscience que nous sommes tous responsables du développement de Madagascar, notre patrie. Que l’année jubilaire ravive l’espérance de chaque foyer et de tous les pèlerins de l’espérance. Que la prière de Marie Reine de Madagascar et de Saint Joseph, son époux, ainsi que celle des Saints et Bienheureux de notre terre nous accompagne. 

Nous, vos évêques, vous bénissons.

Tous les évêques de Madagascar


Fait à Antananarivo, le 15 novembre 2024

Mémoire de Saint Albert Le Grand, Evêque et Docteur de l’Eglise


Son Exc. Mgr Marie Fabien RAHARILAMBONIAINA, Évêque de Morondava

Président de la Conférence Épiscopale de Madagascar

Son Exc. Mgr Jean Pascal ANDRIANTSOAVINA, Évêque d’Antsirabe, Vice-Président, 

Son Exc. Mgr Jean Claude RAKOTOARISOA, Évêque de Miarinarivo, Secrétaire Général

Son Éminence le Cardinal Désiré TSARAHAZANA, Archevêque de Toamasina,

Son Exc. Mgr Benjamin Marc RAMAROSON, Archevêque d’Antsiranana,

Son Exc. Mgr Jean de Dieu RAOELISON, Archevêque d’Antananarivo

Son Exc. Mgr Filgence RABEMAHAFALY, Archevêque de Fianarantsoa

Son Exc. Mgr Gustavo Bombin ESPINO, Archevêque de Tuléar

Son Exc. Mgr Francis Donatien RANDRIAMALALA, Évêque d’Ambanja

Son Exc. Mgr Georges Varkey PUTHIYAKULANGARA, Évêque de Port-Bergé

Son Exc. Mgr Mgr Zygmunt ROBASZKIEWICZ, Évêque de Mahajanga

Son Exc. Mgr Marcellin RANDRIAMAMONJY, Évêque nommé de Farafangana 

Son Exc. Mgr Rosario VELLA, Évêque de Moramanga

Son Exc. Mgr Gabriel RANDRIANANTENAINA, Évêque de Tsiroanomandidy

Son Exc. Mgr Clément Herizo RAKOTOASIMBOLA, Évêque de Maintirano,

Son Exc. Mgr Fidelis RAKOTONARIVO, Évêque d’Ambositra

Son Exc. Mgr José Alfredo CAIRES DE NOBREGA, Évêque de Mananjary,

Son Exc. Mgr Fulgence RAZAKARIVONY, Évêque d’Ihosy

Son Exc. Mgr Gaetano DI PIERRO, Administrateur Apostolique de Farafangana

Son Exc. Mgr Jean Désiré RAZAFINIRINA, Évêque de Morombe

Son Exc. Mgr Luc Olivier RAZAFITSIMIALONA, Évêque de Tolagnaro

Son Exc . Mgr Nicolas RAKOTOJAONA, Évêque Auxiliaire de Morondava

Son Exc, Mgr HERIVONJILLALAINA Orthasie Marcellin, Évêque d’Ambatondrazaka

Son Exc. Mgr Raymond RAZAKARIVONY, Évêque Émérite de Miarinarivo

Son Exc. Mgr Michel MALO, Évêque Émérite d’Antsiranana

Son Exc. Mgr Armand TOASY, Évêque Émérite de Port-Bergé

Son Exc. Mgr Odon Marie Arsène RAZANAKOLONA, Archevêque Émérite d’Antananarivo

Son Exc. Mgr Fulgence RABEONY, Archevêque Émérite de Toliary

Son Exc. Mgr Vincent RAKOTOZAFY, Évêque Émérite de Tolagnaro


1 Cf. FRANÇOIS, Fratelli tutti, n° 176 et suivants.

2 Cf. CONCILE VATICAN II, L’Église dans le monde de ce temps (GS), n° 43.

3 Cf. FRANÇOIS, Homélie du 24.03.2013.

4 Cf. FRANÇOIS, Spes non confundit, n° 15.