« Nous devons tous redécouvrir l'importance du cœur », déclare le pape François dans sa quatrième encyclique, publiée le 24 octobre, qui parle de « l'amour humain et divin du cœur de Jésus-Christ ». Il y appelle les croyants à redécouvrir la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus et, à travers elle, à aimer nos frères et sœurs dans l'Église et dans le monde.
« Dilexit Nos » (« Il nous aimait ») est le titre de cette lettre de 28 000 mots qui parle des profondeurs de la relation de François avec Jésus.
«Dilexit Nos», la quatrième encyclique de François, retrace la tradition et l’actualité de la pensée «sur l’amour humain et divin du cœur de Jésus Christ», invitant à renouveler sa dévotion authentique pour ne pas oublier la tendresse de la foi, la joie de se mettre au service et la ferveur de la mission: parce que le cœur de Jésus nous pousse à aimer et nous envoie vers nos frères.
"Il est né de l'expérience spirituelle du pape François, qui ressent le drame des énormes souffrances causées par les guerres et les nombreuses [formes de] violence qui ont lieu actuellement", a déclaré Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto, en Italie. Théologien de renom, a déclaré en présentant le texte lors d'une conférence de presse au Vatican. "Il souhaite être proche de ceux qui souffrent en proposant le message d'amour divin qui vient nous sauver."
Le pape écrit dans « Dilexit Nos » que : « Le présent document peut nous aider à voir que l'enseignement des encycliques sociales « Laudato Si » et « Fratelli Tutti » n'est pas étranger à notre rencontre avec l'amour de Jésus-Christ. Car c’est en buvant de ce même amour que nous devenons capables de tisser des liens de fraternité, de reconnaître la dignité de chaque être humain et de travailler ensemble pour prendre soin de notre maison commune.
Dans un monde où tout s’achète et se vend, la perception que les gens ont de leur valeur semble de plus en plus dépendre de ce qu’ils peuvent accumuler grâce au pouvoir de l’argent. Nous sommes constamment poussés à continuer d’acheter, de consommer et de nous distraire, prisonniers d’un système humiliant qui nous empêche de regarder au-delà de nos besoins immédiats et insignifiants. L'amour du Christ n'a pas sa place dans ce mécanisme pervers, mais seul cet amour peut nous libérer d'une poursuite folle qui n'a plus de place pour un amour gratuit. L’amour du Christ peut donner un cœur à notre monde et raviver l’amour partout où nous pensons que la capacité d’aimer est définitivement perdue.
François a surpris les observateurs du Vatican en publiant l'encyclique à la veille de la conclusion du Synode sur la synodalité. Ce n’est peut-être pas un hasard, car il contient un message important pour les délégués synodaux et les évêques du monde entier.
Il leur rappelle : « L'Église a également besoin de cet amour, de peur que l'amour du Christ ne soit remplacé par des structures et des préoccupations dépassées, un attachement excessif à nos propres idées et opinions, et un fanatisme sous toutes ses formes, qui finissent par prendre la place de l'amour. L’amour gratuit de Dieu qui libère, vivifie, apporte de la joie au cœur et construit des communautés. »
L’encyclique sur la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus s’articule en cinq chapitres, et rassemble « les précieuses réflexions des textes magistériels précédents et une longue histoire qui remonte aux Saintes Écritures, afin de re-proposer aujourd'hui à toute l’Église ce culte chargé de beauté spirituelle » comme cela avait été annoncé en juin.
Le premier chapitre, « L’importance du cœur », explique pourquoi il faut «redécouvrir l’importance du cœur» dans un monde dans lequel nous sommes tentés de «nous transformer en consommateurs insatiables, asservis aux rouages d’un marché qui ne s’intéresse pas au sens de l’existence» (n. 2). Pour le pape, le «cœur» c’est ce dont la Bible nous parle comme un centre «qui se trouve derrière toute apparence» (n. 4), un lieu dans lequel «on y est soi-même, quel que soit ce que l’on montre extérieurement et ce que l’on cache» (n. 6). Le Pape souligne que l’actuelle dévalorisation du cœur vient du «rationalisme grec et préchrétien, de l’idéalisme postchrétien et dans le matérialisme», si bien que dans la grande pensée philosophique, des concepts tels que «la raison, la volonté ou la liberté» ont été privilégiés.
Le deuxième chapitre est dédié aux gestes et aux paroles d’amour du Christ. Les gestes avec lesquels il nous traite comme amis et montre que Dieu «est proximité, compassion et tendresse», se voient dans les rencontres avec la Samaritaine, avec Nicodème, la prostituée, la femme adultère et avec l’aveugle sur la route (n. 35). Son regard, qui «pénètre au plus profond de ton être» (n. 39), montre que Jésus «est attentif aux personnes, à leurs préoccupations, à leurs souffrances» (n. 40). De façon à «admirer les choses bonnes qu’Il reconnaît en nous» comme chez le centurion, même si les autres l’ignorent. Sa parole d’amour la plus éloquente est d’être «cloué sur la croix», après avoir pleuré pour son ami Lazare et après avoir souffert au Jardin des Oliviers, conscient de sa propre mort violente «de la main de ceux qu’Il aime tant» (n. 46).
Dans le troisième chapitre, «Voici le cœur qui a tant aimé», le Souverain pontife rappelle comment l’Église a réfléchi «sur le saint mystère du Cœur du Seigneur». Il le fait en se référant à l’encyclique de Pie XII Haurietis aquas, sur la dévotion au Cœur du Christ (1956). Il précise que «la dévotion au Cœur du Christ n’est pas le culte d’un organe séparé de la personne de Jésus», car nous adorons «Jésus-Christ tout entier, le Fils de Dieu fait homme, représenté dans une image où son cœur est mis en évidence» (n. 48). L’image du cœur de chair, souligne le Pape, nous aide à contempler, dans la dévotion, que «les dispositions du Cœur de Jésus-Christ, ne rendent pas seulement compte de la charité divine mais aussi des sentiments d’affection humaine» (n. 61). Son cœur, poursuit François en citant Benoît XVI, contient un «triple amour»: celui sensible du cœur physique «et son double amour spirituel, l’humain et le divin» (n. 66), où nous rencontrons «l’infini dans le fini» (n. 64).
Dans les deux derniers chapitres, le Pape François met en évidence les deux aspects que «la dévotion au Sacré-Cœur doit réunir aujourd’hui pour continuer à nous nourrir et à nous rapprocher de l’Évangile: l’expérience spirituelle personnelle et l’engagement communautaire et missionnaire» (n. 91).
Dans le quatrième chapitre, «L’amour qui donne à boire», le Pape relit les Écritures Saintes, et avec les premiers chrétiens, reconnaît le Christ et son côté blessé comme «celui qu’ils ont transpercé» que Dieu réfère à lui-même dans la prophétie du livre de Zacharie. Une source ouverte pour le peuple, pour étancher sa soif de l’amour de Dieu, «pour laver péché et souillure» (n. 95). Plusieurs Pères de l’Église ont mentionné «la blessure du côté de Jésus comme l’origine de l’eau de l’Esprit», en particulier saint Augustin, qui «a ouvert la voie à la dévotion au Sacré-Cœur en tant que lieu de rencontre personnelle avec le Seigneur» (n. 103). Peu à peu, ce côté blessé, rappelle le Pape, «a pris la forme d’un cœur» (n. 109).
Parmi les dévots des temps modernes, l’encyclique parle avant tout de saint François de Sales, qui représente sa proposition de vie spirituelle avec un «unique cœur percé de deux flèches enfermé dans une couronne d’épines» (n. 118), mais aussi de Sainte Marguerite-Marie Alacoque, Thérèse de Lisieux, Ignace de Loyola et Faustine Kowalska.
Le cinquième et dernier chapitre, «Amour par amour», approfondit la dimension communautaire, sociale et missionnaire de toute dévotion authentique au Cœur du Christ qui, à partir du moment où il «nous conduit au Père, nous envoie vers nos frères» (n. 163). En effet, l’amour pour nos frères est l’«acte plus grand que nous puissions offrir pour Lui rendre amour pour amour» (n. 167). En regardant l’histoire de la spiritualité, le Pape rappelle que l’engagement missionnaire de saint Charles de Foucauld a fait de lui un «frère universel»; «il veut embrasser dans son cœur fraternel toute l’humanité souffrante en se laissant modeler par le Cœur du Christ» (n. 179). François parle ensuite de la «réparation», comme l’expliquait saint Jean-Paul II: «“la civilisation du Cœur du Christ pourra être bâtie sur les ruines accumulées par la haine et la violence” en nous abandonnant à ce Cœur» (n. 182).
Le texte se conclut par cette prière de François: «Je prie le Seigneur Jésus-Christ que jaillissent pour nous tous de son saint Cœur ces fleuves d’eau vive qui guérissent les blessures que nous nous infligeons, qui renforcent notre capacité d’aimer et de servir, qui nous poussent à apprendre à marcher ensemble vers un monde juste, solidaire et fraternel. Et ce, jusqu’à ce que nous célébrions ensemble, dans la joie, le banquet du Royaume céleste. Le Christ ressuscité sera là, harmonisant nos différences par la lumière jaillissant inlassablement de son Cœur ouvert. Qu’il soit béni!» (n. 220).
Pour lire l'encyclique en entier https://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/20241024-enciclica-dilexit-nos.html